Je doute, donc je suis ?

# 11 Où l'art de ne pas tout gober

Dans la liste des sujets que j’ai envie d’aborder ici, il y a celui de l’esprit critique. J’ai un peu tardé à le faire parce que je craignais que vous trouviez ça… chiant.

Sauf que depuis deux semaines, il se passe un truc un peu fou. Un véritable engouement pour l’esprit critique est en train d’émerger. Je vais y revenir, mais d’abord, je vous raconte.

…

On est en 2004 et je suis étudiante à l’Institut Français de Presse. J’ai découvert une nouvelle discipline que j’adore : la sémiologie. Dans cette matière, on se concentre sur l’analyse des discours et des images médiatiques.

Un matin, pendant ce cours de sémiologie, Roxana Morduchowicz est invitée par notre prof, Frédéric Lambert. Je suis assise au fond de l’amphi, mais je bois ses paroles. Elle est ici pour nous parler de son pays, l’Argentine, qui a subi une forte dictature jusqu’en 1983. Les médias ont été censurés et contrôlés pendant des années. Roxana nous explique comment, après 67 ans de dictature, l’Argentine s’est lancé à la conquête de la démocratie. Il était urgent et indispensable de réorganiser tout un système gangrené (l’éducation, la culture, les médias) pour le rendre à nouveau crédible aux yeux de la société.

Pour que les citoyens retrouvent de l’intérêt pour la vie sociale et politique, aient accès à l’information et soient capables de se forger leurs propres opinions, le gouvernement Argentin a décidé de les former. Il a fait de l’éducation aux médias et du développement de l’esprit critique une priorité dans les écoles. Depuis 2004, Roxana Morduchowicz a fait du chemin… enseignante, auteure, conférencière, responsable de programmes nationaux d’éducation aux médias en Argentine, aujourd’hui consultante pour l’UNESCO, elle développe des programmes dans le monde entier.

L’esprit critique comme outil d’apprentissage à la démocratie et à la vie citoyenne

Voilà comment j’ai pris la mesure de l’enjeu de l’éducation aux médias qui, en France, se résume encore trop souvent à la semaine de la presse dans les écoles. Utile, mais pas suffisant !

Face aux médias, aux fake news, aux discours politiques, aux idées complotistes, on est tous dotés d’un outil : l’esprit critique. Un outil n’a rien à voir avec l’intelligence ou la bêtise. C’est une affaire de vigilance intellectuelle. Et, un peu comme une langue étrangère, c'est quelque chose qui s'apprend et s'entretient.

Bon, c’est bien joli tout ça mais, concrètement, comment on fait pour développer l’esprit critique ? Est-ce qu’il y a des cours, des formations ? Ça s’apprend à l’école ?

En classe, on développe les savoirs écrits (lecture et écriture) des élèves. Évidemment, ces savoirs sont indispensables. On analyse des textes en profondeur, on les décortique pour comprendre les logiques rédactionnelles, les argumentations, les figures de style, les procédés rhétoriques… On apprend aussi à exprimer notre raisonnement par écrit, moins à l’oral. Bref, on exerce notre “esprit critique lettré”.

Dans le rapport de l’Arcom sur l’éducation aux médias et à l’information, la philosophe Anne Alombert fait remarquer qu’aujourd’hui, les savoirs de l’écrit ne sont plus suffisants.

“Pour comprendre comment sont produites et diffusées les informations qui circulent sous forme audiovisuelles ou numériques, ce sont les savoirs techniques des sons et des images qui doivent être développés. En tant que citoyens plongés dans un milieu informationnel intégralement numérisé, il nous faut désormais apprendre non seulement à écrire, mais aussi à produire des contenus numériques tout en prenant conscience des logiques algorithmiques, économiques et politiques qui commandent la diffusion et la circulation de ces contenus sur les réseaux.”

Pour que nos enfants soient capables d’appréhender les contenus qu’ils reçoivent de manière critique, et non de manière passive, il faut leur donner les moyens de se poser les bonnes questions par rapport à ce qu’ils voient. Il est temps de développer leur esprit critique face au contenu des médias, des youtubeurs, des influenceurs, des hommes et des femmes politiques, bref de tout ce qui les entoure.

Est-ce qu’il y a une solution ? Oui ! j’y viens.

Cogito 🧠, l’idée de génie

L’année dernière, j’ai découvert sur Instagram un compte génial avec un humour bien à lui : L’esprit critique. Derrière ce compte, on retrouve Alexis Bellas, Nathan Aubineau et toute une équipe qui sévit en formats courts sur Insta et TikTok, mais aussi sur Youtube et en podcast. La sauce a pris très vite.

“On aimerait vous dire qu'on a plus d'1 million d'abonnés, mais c'est un procédé rhétorique qui s'appelle "l'appel à la popularité". C'est pas parce que beaucoup de gens nous suivent que ce qu'on dit est bien. Donc, allez voir par vous-même.”

Un million d’abonnés plus tard donc, ils ont eu envie d’aller plus loin en imaginant quelque chose de plus solide. Ils se sont dit “pourquoi on ne créerait pas une formation d’Esprit critique, une certification, mais aussi un parcours pour les collégiens ?” Pour développer ce projet baptisé Cogito, ils lancent une cagnotte KissKissBankBank en espérant récolter 50 000 €.

En une semaine, BAM : 300 000€.

lesprit.critique

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En 2 semaines, BAM : 500 000 €.

Objectif atteint à 1000 % !

À l’heure où je vous écris, il y a déjà plus de 7 800 contributions (ça grimpe toutes les heures). Mais ce serait dommage de s’arrêter là.
600 000 €, c’est la somme nécessaire pour créer le parcours Cogito pour les collégiens.

Je vous en parle aujourd’hui en toute neutralité et uniquement parce que j’y crois à fond. Je n’ai aucun lien financier avec L’esprit critique. Enfin si ! J’ai contribué à cette cagnotte moi aussi :)
Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à vous rendre sur la page KissKissBankBank du projet : https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/lespritcritique

Les ressources anti-discorde 🕊️

Chaque mois, je vous propose une ou deux ressources, avec ou sans écran.
Cogito était la première, mais j’ai envie de vous en proposer une autre :

🎧 Un podcast et une chaîne Youtube : Génération parents

Solenne Bocquillon-Le Goaziou aborde la parentalité et les enjeux de l’éducation dans une ambiance fun et décontractée. Pas d’épisode solo, pas d’interview en face à face comme c’est souvent le cas dans les podcasts. Là, on assiste à une conversation super intéressante avec des parents, experts et chroniqueurs. Elle traite de sujets importants, mais sans prise de tête. Débat sur l’éducation financière et l’argent de poche, l’âge auquel limiter les réseaux sociaux, l’éducation sexuelle à l’école…
Et puis, il y a la rubrique “Qu’est-ce qu’ils disent ?” que j’adore. On décrypte le jargon des enfants et des ados. Vous ne connaissez pas les expressions “tout whippin”, “t’es PNJ” ou encore “si si Endrick” ? Ecoutez le podacst ! Vous aurez peut-être l’impression d’avoir 107 ans, mais vous aurez la traduction en langage parent 😅.

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui.

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